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L’hivernage du gomphrena

Linden · 09.06.2025.

Aborder la question de l’hivernage du gomphrena, c’est avant tout comprendre la nature fondamentale de cette plante. Originaire des zones tropicales et subtropicales du globe, le gomphrena est une plante gélive, ce qui signifie qu’elle ne supporte absolument pas les températures négatives. Dans la grande majorité des climats tempérés, comme en Europe, elle est donc cultivée comme une plante annuelle. Son cycle de vie complet, de la germination de la graine à la production de nouvelles semences, se déroule sur une seule et même saison. Les premières gelées automnales marquent inéluctablement la fin de son existence, et il n’est généralement pas envisagé de le conserver d’une année sur l’autre.

Cette nature annuelle n’est pas un défaut, mais plutôt une caractéristique qui fait partie de son charme et de son utilité au jardin. Les plantes annuelles sont précieuses pour leur capacité à offrir une floraison rapide, abondante et continue tout au long de la belle saison. Elles permettent de combler les vides dans les massifs, de créer des potées spectaculaires et de renouveler le décor du jardin chaque année. Le gomphrena remplit ce rôle à la perfection, offrant ses pompons colorés sans faillir de l’été jusqu’à l’automne, avant de tirer sa révérence avec l’arrivée du froid. L’idée de l’hivernage est donc, dans la pratique horticole courante, contre-intuitive.

Cependant, d’un point de vue purement botanique, le gomphrena est une plante vivace dans son milieu d’origine où les hivers sont inexistants. Il est donc techniquement possible, bien que très rarement pratiqué, de tenter de le conserver durant l’hiver en le protégeant du gel. Cette démarche relève plus de l’expérimentation horticole que d’une pratique courante, car elle demande des conditions spécifiques et le résultat n’est pas garanti. De plus, un plant de gomphrena de deuxième année est souvent moins vigoureux et moins florifère qu’un jeune plant issu d’un semis printanier.

La méthode la plus simple, la plus fiable et la plus gratifiante pour « hiverner » le gomphrena consiste en réalité à ne pas conserver la plante elle-même, mais sa descendance. La récolte des graines à l’automne est une forme d’hivernage indirecte. En conservant les semences dans de bonnes conditions, vous assurez la pérennité de vos variétés préférées et vous vous donnez la possibilité de reproduire la magie de leur floraison l’année suivante. C’est la méthode la plus logique et la plus en accord avec le cycle de vie naturel de la plante dans nos climats.

Le cycle de vie annuel en climat tempéré

Il est fondamental de bien intégrer le concept de plante annuelle pour comprendre pourquoi l’hivernage du gomphrena n’est pas une pratique standard. Une plante annuelle accomplit l’intégralité de son cycle sur quelques mois. Au printemps, la graine germe. Durant l’été, la plante se développe, atteint sa maturité et fleurit abondamment. L’objectif biologique de cette floraison est la reproduction, c’est-à-dire la production de graines viables. En fin de saison, après avoir assuré sa descendance, la plante mère entre en sénescence et meurt naturellement, un processus qui est accéléré et finalisé par l’arrivée du froid et du gel.

Tenter de contrarier ce cycle naturel en essayant de faire survivre la plante mère est souvent un effort vain. Le gomphrena est programmé génétiquement pour ce cycle court et intense. Même si l’on parvenait à le protéger du gel, la plante serait souvent épuisée par sa saison de floraison et aurait tendance à décliner. Les jeunes plants issus de semis sont toujours plus vigoureux, plus sains et plus florifères. Ils bénéficient de « l’énergie de la jeunesse » que la plante mère a déjà dépensée.

Accepter le caractère éphémère du gomphrena est une partie importante de l’expérience de jardinage. C’est l’occasion d’apprécier sa beauté intense pendant qu’elle dure, du début de l’été jusqu’aux premiers frimas de l’automne. Le nettoyage des massifs après les gelées n’est pas une corvée triste, mais plutôt une étape nécessaire du cycle du jardin. C’est le moment de faire de la place, d’amender le sol avec du compost et de préparer le terrain pour les nouvelles plantations du printemps suivant, dans un éternel recommencement.

Le seul contexte où l’on pourrait envisager un hivernage serait dans des régions au climat très privilégié, de type méditerranéen ou océanique très doux, où les gelées sont extrêmement rares et très légères. Dans ces conditions exceptionnelles, un gomphrena planté dans un endroit très abrité, par exemple contre un mur exposé au sud, et protégé par un épais paillis, pourrait éventuellement survivre à un hiver clément. Cependant, même dans ce cas, sa performance l’année suivante serait incertaine.

La récolte et la conservation des graines

La véritable stratégie pour assurer la présence du gomphrena dans votre jardin année après année est la maîtrise de la récolte et de la conservation des graines. Cette méthode est simple, économique et parfaitement en phase avec le cycle de la plante. Vers la fin de l’été ou au début de l’automne, sélectionnez quelques-unes des plus belles et des plus saines inflorescences sur vos plants les plus vigoureux. Laissez ces fleurs choisies terminer leur cycle de vie et sécher complètement sur pied. Il est important d’attendre que la fleur soit devenue brune et cassante au toucher.

Le jour de la récolte, choisissez une journée sèche et ensoleillée pour vous assurer que les fleurs sont exemptes de toute humidité. Coupez les tiges florales et placez les têtes séchées dans un sac en papier ou au-dessus d’une grande feuille de papier. En frottant délicatement les inflorescences entre vos doigts, vous libérerez une multitude de petites graines duveteuses. Il y aura également beaucoup de débris floraux (paillettes, bractées), mais il n’est pas nécessaire de chercher à obtenir des graines parfaitement propres.

Une fois les graines extraites, il est crucial de s’assurer qu’elles sont parfaitement sèches avant de les stocker, afin d’éviter tout risque de moisissure. Étalez-les sur une assiette ou un plateau dans un endroit sec et aéré pendant encore quelques jours. Lorsqu’elles sont bien sèches, placez-les dans une enveloppe en papier ou un petit sachet en papier. N’utilisez jamais de contenant en plastique qui pourrait retenir l’humidité et faire pourrir les graines. N’oubliez pas d’étiqueter votre sachet avec le nom de la variété et l’année de la récolte.

Le stockage des graines doit se faire dans un endroit qui respecte trois conditions fondamentales : frais, sec et à l’abri de la lumière. Une boîte en métal ou en plastique hermétique, placée dans un garage non chauffé, une cave ou même le bac à légumes du réfrigérateur, constitue un lieu de stockage idéal. Dans de bonnes conditions, les graines de gomphrena conservent leur pouvoir germinatif pendant plusieurs années, vous assurant ainsi une réserve pour les saisons futures.

Tentative d’hivernage en intérieur : une expérience

Si vous avez l’âme d’un expérimentateur et que vous souhaitez tenter de conserver un plant de gomphrena durant l’hiver, la seule méthode viable est de le cultiver en pot et de le rentrer à l’intérieur avant les premières gelées. Choisissez votre plus beau sujet, idéalement un plant compact et sain. Si la plante est en pleine terre, il faudra la déterrer avec une motte aussi grande que possible et la rempoter, une opération très stressante que la plante pourrait ne pas supporter. Il est donc préférable de prévoir cette expérience dès le départ en cultivant la plante en pot.

Une fois rentrée à l’intérieur, la plante doit être placée dans la pièce la plus lumineuse possible. Une véranda non chauffée, un jardin d’hiver ou une fenêtre orientée plein sud sont les meilleures options. Le gomphrena a un besoin impératif de lumière intense, et la faible luminosité de nos intérieurs en hiver est son principal ennemi. Même dans les meilleures conditions, la plante risque de s’étioler, de perdre ses feuilles inférieures et de cesser complètement de fleurir. Un éclairage horticole d’appoint peut être nécessaire pour compenser le manque de lumière naturelle.

Durant la période hivernale, la croissance de la plante sera au ralenti, voire à l’arrêt. Il est donc crucial de réduire considérablement les arrosages. Laissez le terreau sécher sur plusieurs centimètres entre deux apports d’eau. Un excès d’arrosage en hiver, combiné à une faible luminosité et à des températures plus fraîches, est la recette assurée pour faire pourrir les racines. Il faut également cesser toute forme de fertilisation dès l’automne et ne reprendre qu’au printemps suivant, si la plante a survécu.

Surveillez attentivement l’apparition de parasites d’intérieur, comme les pucerons, les aleurodes (mouches blanches) ou les araignées rouges, qui peuvent proliférer dans l’atmosphère confinée et sèche de nos maisons. Si la plante survit jusqu’au printemps, vous pourrez la tailler légèrement pour lui redonner une forme et commencer à l’acclimater progressivement aux conditions extérieures avant de la ressortir après les dernières gelées. Gardez cependant à l’esprit que le succès de cette opération est loin d’être garanti.

Préparer le jardin pour la saison suivante

La fin du cycle de vie du gomphrena à l’automne ne doit pas être vue comme une fin, mais comme une transition. C’est une étape essentielle dans le cycle annuel du jardin. Une fois que les gelées ont noirci le feuillage et mis un terme à la floraison, il est temps de procéder au nettoyage des massifs. Arrachez les plants fanés à la racine. Si les plantes étaient saines, elles peuvent être ajoutées au tas de compost où elles se décomposeront et contribueront à créer le précieux amendement qui nourrira les cultures de l’année suivante.

Ce nettoyage d’automne est l’occasion idéale pour préparer le sol pour le printemps. Après avoir retiré les anciennes plantes, vous pouvez désherber la zone et ameublir légèrement la surface du sol avec une griffe ou une fourche-bêche. C’est le moment parfait pour incorporer une bonne couche de compost ou de fumier bien mûr. En l’épandant à l’automne, vous laissez le temps aux micro-organismes du sol de travailler pendant l’hiver, d’intégrer cette matière organique et de la rendre disponible pour les nouvelles plantations au printemps.

Une fois le sol amendé, vous pouvez le couvrir d’un paillis d’hiver. Une épaisse couche de feuilles mortes, de paille ou de BRF (Bois Raméal Fragmenté) protégera le sol de l’érosion causée par les pluies hivernales, du compactage et du lessivage des nutriments. Ce paillis limitera également la levée des mauvaises herbes de saison froide. Au printemps, vous n’aurez qu’à écarter le paillis pour planter vos nouveaux semis de gomphrena dans un sol riche, meuble et plein de vie.

Cette préparation automnale vous fera gagner un temps précieux au printemps, une saison souvent très chargée pour les jardiniers. En agissant ainsi, vous transformez la fin de vie de vos annuelles en un investissement pour l’avenir de votre jardin. Le gomphrena, même après sa mort, continue de contribuer à la santé et à la fertilité de votre terre, bouclant ainsi la boucle du cycle naturel du jardin.

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