La réussite de la culture de l’alisier torminal, cet arbre forestier précieux tant pour son bois que pour son intérêt écologique, repose en grande partie sur une plantation soignée et une compréhension de ses modes de multiplication. Planter un arbre n’est pas un acte anodin ; c’est un investissement à long terme qui demande réflexion et préparation. Le choix de l’emplacement, la préparation du sol et la technique de mise en terre sont des étapes déterminantes qui influenceront directement la vigueur, la résilience et la croissance future de l’arbre. De même, connaître les méthodes de multiplication, qu’elles soient par semis ou par greffage, permet de pérenniser l’espèce et de sélectionner des sujets aux caractéristiques désirables. Ces connaissances sont essentielles pour tout jardinier ou sylviculteur souhaitant accueillir cet arbre remarquable dans les meilleures conditions.
La première étape, et sans doute la plus cruciale, est la sélection d’un emplacement adéquat. L’alisier torminal est une essence de pleine lumière qui a besoin d’un ensoleillement direct pour se développer harmonieusement. Il faut donc lui réserver un site dégagé, loin de l’ombre portée par des bâtiments ou de grands arbres. Il faut également anticiper sa taille adulte, qui peut atteindre plus de 20 mètres de haut, afin de lui laisser l’espace nécessaire pour étaler sa couronne sans entrer en conflit avec des infrastructures ou d’autres plantations. Une distance de plantation d’au moins 8 à 10 mètres de tout obstacle est recommandée.
Le sol joue un rôle tout aussi fondamental. L’alisier torminal montre une forte préférence pour les sols calcaires, profonds et bien drainés. Il craint par-dessus tout les sols gorgés d’eau où ses racines risqueraient l’asphyxie. Les terrains lourds, argileux et compacts doivent donc être évités ou sérieusement amendés pour améliorer leur drainage. Une bonne observation de la flore spontanée peut donner des indices sur la nature du sol ; la présence de plantes calcicoles est un excellent signe. Si le sol est plutôt acide, un apport de chaux ou de dolomie quelques mois avant la plantation permettra de corriger le pH.
La période idéale pour la plantation s’étend de l’automne au début du printemps, en dehors des périodes de gel. La plantation automnale, en particulier après la chute des feuilles, est souvent préconisée car elle permet à l’arbre de commencer à développer son système racinaire avant l’arrivée de l’hiver, lui donnant ainsi une avance pour la reprise végétative au printemps. Une plantation printanière est également possible, mais elle nécessitera une surveillance plus attentive de l’arrosage durant le premier été. Il est conseillé de choisir des plants en racines nues ou en motte, qui offrent souvent une meilleure reprise que les sujets en conteneur.
La préparation du trou de plantation
Une fois l’emplacement choisi, la préparation du trou de plantation est une étape à ne pas négliger. Il est conseillé de creuser un trou large et profond, au moins deux à trois fois plus large que la motte ou le système racinaire de l’arbre, et d’une profondeur équivalente. Cette largeur permet de décompacter la terre environnante, ce qui facilitera la pénétration des futures racines. Il ne s’agit pas simplement de faire un trou pour y loger les racines, mais de créer un environnement favorable à leur expansion.
Lors du creusement, il est judicieux de séparer la terre de surface, généralement plus riche en matière organique, de la terre de profondeur. Au fond du trou, il est possible d’ajouter une couche de drainage composée de graviers ou de billes d’argile, surtout si le sol est de nature lourde. On peut également y incorporer un peu de compost bien décomposé ou de la corne broyée, qui fourniront des nutriments à libération lente pour soutenir la croissance de l’arbre. Il faut cependant éviter de mettre du fumier frais en contact direct avec les racines, car il pourrait les brûler.
Avant de placer l’arbre dans le trou, il est essentiel de préparer les racines. Pour un plant en racines nues, il faut « habiller » les racines, c’est-à-dire tailler légèrement l’extrémité des plus grosses racines pour rafraîchir les coupes et supprimer celles qui sont abîmées ou cassées. On peut ensuite praliner les racines en les trempant dans un mélange d’argile, de bouse de vache et d’eau, une technique ancestrale qui protège les racines du dessèchement et favorise l’émission de nouvelles radicelles. Pour un plant en motte, il suffit de griffer délicatement la surface de la motte pour défaire le « chignon » de racines si elles ont commencé à tourner dans le pot.
Le positionnement de l’arbre dans le trou est également un point critique. Le collet de l’arbre, c’est-à-dire la jonction entre les racines et le tronc, doit se trouver exactement au niveau du sol, voire très légèrement au-dessus. Enterrer le collet est une erreur fréquente qui peut entraîner des problèmes sanitaires et freiner la croissance de l’arbre. Il est utile de placer un manche d’outil en travers du trou pour servir de repère et s’assurer que l’arbre est à la bonne hauteur. Une fois l’arbre bien positionné et droit, on peut commencer à reboucher le trou.
Les étapes de la mise en terre
Le rebouchage du trou de plantation doit se faire avec soin. On utilise la terre extraite, en commençant par la terre de fond mélangée à un peu de compost ou de terreau de plantation, puis en finissant avec la terre de surface, plus fertile. Il est important de bien tasser la terre au fur et à mesure avec le pied pour éliminer les poches d’air et assurer un bon contact entre les racines et le sol. On peut secouer légèrement l’arbre de haut en bas pendant le remplissage pour aider la terre à bien se glisser entre les racines.
Une fois le trou complètement rebouché, il faut former une large cuvette d’arrosage autour du tronc. Cette cuvette, sorte de bourrelet de terre, permettra de retenir l’eau d’arrosage et de la concentrer au niveau des racines. L’arrosage qui suit immédiatement la plantation est absolument indispensable, même s’il pleut. Il faut apporter une grande quantité d’eau, au moins 15 à 20 litres, pour bien imbiber la terre, tasser le sol définitivement et chasser les dernières poches d’air. Cet arrosage copieux assure une bonne hydratation de l’arbre après le stress de la transplantation.
La pose d’un tuteur est fortement recommandée, surtout pour les arbres de haute tige ou plantés dans des zones venteuses. Le tuteur a pour rôle de maintenir l’arbre stable pendant que ses racines s’ancrent dans le sol, évitant ainsi que le vent ne fasse bouger la motte, ce qui casserait les jeunes radicelles en formation. On place généralement un ou deux tuteurs du côté des vents dominants. Le lien entre le tuteur et le tronc doit être solide mais souple, comme un lien en caoutchouc, pour ne pas blesser l’écorce. Il est important de ne pas trop serrer le lien pour permettre au tronc de s’épaissir, et de retirer le tuteur après deux ou trois ans, lorsque l’arbre est suffisamment ancré.
Pour finir, l’application d’un paillage au pied de l’arbre est une excellente pratique. Une couche de 5 à 10 centimètres de paillis organique (BRF, écorces, feuilles mortes) permet de limiter la concurrence des mauvaises herbes, de conserver l’humidité du sol et de le protéger des températures extrêmes. Le paillage favorise également la vie microbienne du sol, ce qui est bénéfique pour la santé de l’arbre. Il faut veiller à laisser un petit espace libre autour du tronc pour éviter que l’humidité ne s’accumule contre l’écorce.
La multiplication par semis
La méthode de multiplication la plus naturelle pour l’alisier torminal est le semis. Pour cela, il faut d’abord récolter les fruits, appelés alises, à pleine maturité en automne, généralement après les premières gelées. Les fruits doivent être blets, c’est-à-dire mous et brunâtres. Il faut ensuite extraire les graines de la pulpe en écrasant les fruits et en les lavant à grande eau. Les graines viables sont celles qui coulent au fond du récipient, tandis que les autres, qui flottent, peuvent être éliminées.
Les graines de l’alisier torminal possèdent une dormance qui doit être levée pour qu’elles puissent germer. Elles nécessitent une période de stratification froide et humide. Cette stratification consiste à imiter les conditions hivernales. On mélange les graines propres avec un substrat humide comme du sable, de la tourbe ou de la vermiculite, puis on place le tout dans un sac en plastique ou une boîte hermétique au réfrigérateur pendant trois à cinq mois, à une température de 1 à 5°C. Il est important de vérifier régulièrement l’humidité du substrat et l’absence de moisissures.
Au début du printemps, après la période de stratification, les graines sont prêtes à être semées. On peut les semer en caissettes ou en pots remplis d’un bon terreau de semis, en les recouvrant d’une fine couche de substrat (environ 1 cm). Il faut maintenir le terreau constamment humide mais pas détrempé, et placer les semis dans un endroit lumineux mais à l’abri du soleil direct. La germination peut être lente et parfois irrégulière, il faut donc faire preuve de patience.
Une fois que les plantules ont développé quelques vraies feuilles et sont suffisamment robustes, elles peuvent être repiquées individuellement dans des pots plus grands. Il est important de les manipuler avec précaution pour ne pas endommager leur jeune système racinaire. Les jeunes plants seront ensuite cultivés en pépinière pendant un ou deux ans avant d’être prêts à être plantés en pleine terre. Cette période leur permet de développer un système racinaire solide et de s’endurcir progressivement aux conditions extérieures.
La multiplication végétative
Outre le semis, l’alisier torminal peut être multiplié par des méthodes végétatives, bien que celles-ci soient moins courantes pour l’amateur. Le greffage est la technique la plus utilisée par les professionnels, notamment pour reproduire des variétés sélectionnées pour la qualité de leurs fruits ou de leur bois. Le greffage permet de s’assurer que le nouvel arbre aura exactement les mêmes caractéristiques génétiques que la plante mère. On greffe généralement un rameau (greffon) de l’alisier torminal sur un porte-greffe compatible, comme un alisier commun (Sorbus aria) ou un poirier franc.
Le bouturage de l’alisier torminal est réputé difficile et présente un faible taux de réussite. Cependant, il est possible de tenter des boutures semi-ligneuses en été. On prélève des tronçons de rameaux de l’année, d’environ 15 cm de long, en coupant juste sous un nœud. On retire les feuilles de la partie inférieure et on trempe la base dans de l’hormone de bouturage pour stimuler l’enracinement. Les boutures sont ensuite piquées dans un substrat léger et drainant, et maintenues à l’étouffée pour conserver une humidité élevée.
Une autre méthode de multiplication, qui se produit parfois naturellement, est le drageonnage. L’alisier torminal a la capacité d’émettre des rejets, ou drageons, à partir de ses racines. Ces drageons peuvent être prélevés avec une partie de leurs racines pour créer de nouveaux plants. La meilleure période pour cette opération est l’automne ou le début du printemps. Il faut déterrer soigneusement le drageon en s’assurant de conserver un maximum de racines, puis le séparer de la plante mère avec une bêche bien affûtée. Le nouveau plant peut ensuite être replanté immédiatement à son emplacement définitif.
Enfin, bien que plus complexe, le marcottage est également une option. Cette technique consiste à provoquer l’enracinement d’une branche sans la séparer de la plante mère. On choisit une branche basse et souple que l’on peut courber jusqu’au sol. On pratique une légère incision sur la partie qui touchera la terre, on l’enterre en la maintenant avec un crochet, et on relève l’extrémité. Après plusieurs mois, voire une année, des racines se seront formées au niveau de l’incision. On pourra alors sevrer la marcotte en la coupant de la plante mère et la transplanter.