La plantation et la multiplication du gui blanc sont des processus uniques qui s’écartent radicalement des techniques horticoles traditionnelles. Il ne s’agit pas de semer des graines en terre ou de réaliser des boutures dans un substrat, mais plutôt d’imiter la nature et le rôle des oiseaux dans la dissémination de cette plante hémiparasite. Réussir à cultiver le gui demande de la patience, une bonne compréhension de sa biologie et un choix judicieux de l’arbre hôte qui lui servira de support et de source de nutriments. Le processus commence par la récolte de baies mûres et se termine par l’attente, souvent longue, de la germination et de l’établissement de la jeune plantule sur sa nouvelle demeure.
La première étape, et la plus cruciale, est la sélection d’un arbre hôte approprié. Le gui blanc a des préférences marquées et ne s’installera pas sur n’importe quelle espèce. Ses hôtes de prédilection sont généralement des arbres feuillus à bois tendre, tels que les pommiers, les peupliers, les saules, les tilleuls ou encore les aubépines. Il est essentiel de choisir un arbre mature et en parfaite santé, capable de supporter la charge nutritive supplémentaire que représente le parasite. Un arbre jeune, stressé ou malade ne serait pas un bon candidat et l’introduction du gui pourrait accélérer son déclin.
Une fois l’hôte sélectionné, il faut se procurer des graines fraîches, qui se trouvent à l’intérieur des baies blanches et translucides du gui. La meilleure période pour la récolte est la fin de l’hiver, de février à mars, lorsque les baies sont bien mûres. Il est important d’utiliser des baies fraîchement cueillies, car leur pouvoir germinatif diminue rapidement. La pulpe qui entoure la graine, appelée viscine, est extrêmement collante et joue un rôle essentiel dans le processus, en permettant à la graine d’adhérer fermement à l’écorce de l’arbre hôte.
L’étape suivante est « l’ensemencement » proprement dit. Il s’agit d’extraire la graine de la baie en pressant délicatement cette dernière entre les doigts, puis de coller la graine, avec sa pulpe visqueuse, sur une branche de l’arbre hôte. Choisissez une branche d’un diamètre de quelques centimètres, avec une écorce relativement jeune et lisse, idéalement sur la face supérieure pour qu’elle bénéficie de la lumière et de la pluie. Évitez les vieilles branches à l’écorce épaisse et crevassée où la graine aurait du mal à s’ancrer. Plusieurs graines peuvent être déposées sur différentes branches pour augmenter les chances de succès.
Après avoir déposé les graines, la patience devient la principale vertu du jardinier. La germination du gui est un processus lent et incertain. Il peut s’écouler plusieurs mois, voire une année entière, avant que les premiers signes de germination ne soient visibles, sous la forme d’un petit suçoir verdâtre qui tente de pénétrer l’écorce. La première paire de feuilles n’apparaîtra souvent que l’année suivante. Durant cette période, il n’y a rien d’autre à faire que de laisser la nature suivre son cours, en veillant simplement à ce que l’arbre hôte reste en bonne santé.
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Le choix de l’arbre hôte
Le succès de l’implantation du gui dépend entièrement du choix de son arbre hôte. Toutes les essences ne sont pas égales face à ce parasite. Il est impératif de se renseigner sur les compatibilités connues du Viscum album. Parmi les hôtes les plus communs et les plus réceptifs, on trouve le pommier, le poirier, le robinier faux-acacia, le sorbier, l’aubépine, le tilleul, le peuplier et le saule. Ces arbres partagent souvent une caractéristique : une écorce relativement tendre qui facilite la pénétration du suçoir primaire du gui. En revanche, des arbres comme le chêne, le hêtre ou le noyer, avec leur écorce épaisse et leurs défenses chimiques, sont très rarement colonisés.
L’état de santé de l’arbre candidat est un critère non négociable. L’arbre doit être mature, vigoureux, sans signes de maladie ou de stress. Inspectez attentivement le tronc, les branches maîtresses et le feuillage. Un arbre qui lutte déjà pour sa propre survie ne pourra pas fournir les ressources nécessaires au développement du gui et l’infestation pourrait lui être fatale. Idéalement, choisissez un arbre en pleine force de l’âge, qui a un système racinaire bien établi et une bonne croissance annuelle. C’est la garantie d’une cohabitation qui pourra durer de nombreuses années.
L’emplacement de l’hôte dans le jardin ou le paysage a également son importance. Le gui est une plante qui a besoin de lumière pour la photosynthèse. Il est donc préférable de choisir un arbre situé dans un endroit ensoleillé ou à mi-ombre. Les branches situées à l’intérieur d’une couronne très dense et ombragée sont moins susceptibles d’accueillir une germination réussie. L’accessibilité des branches est aussi un facteur pratique à considérer pour faciliter l’opération de « semis » des graines et pour la surveillance future ou la taille de contrôle.
Enfin, il faut réfléchir aux conséquences à long terme de l’introduction du gui. Si vous cultivez des arbres fruitiers, comme des pommiers, sachez qu’une forte infestation de gui peut réduire la production de fruits et affaiblir les branches. La décision d’introduire le gui doit être mûrement réfléchie, en pesant l’intérêt esthétique ou écologique face aux contraintes de gestion futures. C’est un engagement sur le long terme qui demande une surveillance et des interventions régulières pour maintenir l’équilibre.
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La récolte et la préparation des graines
La qualité des graines est déterminante pour la réussite de la multiplication. Les graines de gui se trouvent à l’intérieur des baies blanches et charnues qui mûrissent en hiver. La période de récolte idéale s’étend de la fin de l’hiver au début du printemps, généralement de février à avril, selon le climat. C’est à ce moment que les baies sont gorgées de viscine, la substance collante essentielle à l’adhésion, et que l’embryon est à maturité. Il est conseillé de prélever les baies directement sur une touffe de gui saine et vigoureuse.
Les baies doivent être utilisées le plus rapidement possible après la récolte. Contrairement à la plupart des graines, celles du gui ne passent pas par une phase de dormance sèche et perdent très vite leur viabilité si elles se dessèchent. Conservez les baies dans un sachet plastique légèrement humide et au frais si vous ne pouvez pas les « semer » le jour même. Évitez les baies qui sont décolorées, flétries ou qui montrent des signes de moisissure. La fraîcheur est le gage principal du succès.
La préparation des graines est d’une simplicité déconcertante, car elle imite l’action de l’oiseau. Il suffit de presser une baie entre le pouce et l’index pour en faire sortir la graine unique, enrobée de sa pulpe gluante. Il ne faut surtout pas essayer de nettoyer la graine ou de retirer la viscine. Cette dernière est non seulement une colle naturelle puissante, mais elle contiendrait également des substances qui inhibent la germination tant qu’elle n’est pas exposée à la lumière et à l’air, et d’autres qui pourraient aider à ramollir l’écorce de l’hôte.
Pour augmenter vos chances, récoltez un nombre de baies supérieur au nombre de points de semis que vous visez. Le taux de réussite de la germination et de l’implantation n’est jamais de 100%. De nombreux facteurs, comme le dessèchement par le vent, le lavage par de fortes pluies ou une incompatibilité locale avec la branche, peuvent entraîner l’échec. En disposant de nombreuses graines, vous pourrez en placer plusieurs sur l’arbre choisi, multipliant ainsi les probabilités qu’au moins une d’entre elles parvienne à s’établir avec succès.
Les techniques de semis
Le « semis » du gui est une technique qui demande plus de délicatesse que de force. Après avoir extrait la graine gluante de la baie, l’objectif est de la faire adhérer à l’écorce de l’arbre hôte. Pour ce faire, choisissez une zone appropriée sur une branche. Privilégiez les branches jeunes, d’un diamètre compris entre 2 et 10 centimètres, dont l’écorce est encore lisse. Les aisselles de branches ou les zones près des bourgeons sont souvent de bons emplacements. Frottez simplement la graine sur l’écorce jusqu’à ce que la viscine adhère solidement.
L’orientation de la branche a son importance. Il est généralement recommandé de placer les graines sur la partie supérieure ou latérale des branches. Cette position leur permet de bénéficier au maximum de la lumière du soleil, indispensable à la germination et à la photosynthèse future de la jeune plante. De plus, elles recevront directement l’eau de pluie, ce qui est important pour leur hydratation initiale. Évitez de placer les graines sur la face inférieure des branches, où elles seraient à l’ombre et où la pulpe pourrait s’assécher moins facilement, risquant de pourrir.
Une méthode alternative consiste à réaliser une très légère incision en « T » dans l’écorce avec un greffoir propre et désinfecté, puis à y insérer la graine. Cette technique peut potentiellement améliorer le contact entre la graine et les tissus vivants de l’arbre, mais elle présente aussi un risque d’infection si elle n’est pas réalisée proprement. La méthode la plus simple et la plus naturelle, qui consiste à simplement coller la graine, est souvent suffisante et moins invasive pour l’arbre hôte. La nature est bien faite, et la viscine est conçue pour cette tâche.
N’hésitez pas à disséminer plusieurs graines sur différentes branches du même arbre, ou même sur plusieurs arbres hôtes si vous en avez la possibilité. Cela ne garantit pas seulement un meilleur taux de succès, mais permet aussi d’observer les différences de développement en fonction de l’emplacement, de l’exposition au soleil ou de la vigueur de la branche. Marquez discrètement les emplacements avec un petit ruban lâche pour pouvoir suivre l’évolution au fil des mois et des années, car le spectacle de la croissance du gui est celui de la patience.
Germination et premières étapes de croissance
La phase qui suit le semis est une longue attente qui mettra à l’épreuve la patience de n’importe quel jardinier. La germination du gui ne se produit pas en quelques jours ou quelques semaines comme pour les plantes annuelles. La graine va d’abord adhérer fermement à l’écorce grâce à la viscine qui sèche. Ensuite, sous l’effet de la lumière, l’embryon va s’activer et un hypocotyle va lentement émerger, se courbant vers l’écorce pour former un disque de fixation appelé appressorium. Ce processus peut prendre plusieurs mois.
Une fois l’appressorium formé, le gui développe son suçoir primaire, une structure spécialisée qui va pénétrer l’écorce de l’arbre hôte. C’est l’étape la plus critique, car le suçoir doit atteindre les tissus conducteurs de l’arbre (le xylème) pour pouvoir commencer à puiser l’eau et les sels minéraux. Cette phase de pénétration est invisible de l’extérieur et peut durer toute une année. Pendant tout ce temps, la graine semble inerte, mais un travail intense se déroule au niveau microscopique.
La première manifestation visible du succès de l’implantation est l’apparition, souvent au printemps de l’année suivant le semis, d’une petite paire de feuilles charnues. Cette première croissance est extrêmement lente. Le gui va consacrer la plupart de son énergie à développer son système de suçoirs à l’intérieur de la branche avant de produire une croissance externe significative. Chaque année, la jeune plante ne produira généralement qu’une seule nouvelle paire de feuilles et une nouvelle section de tige, formant une bifurcation.
Il faut compter en moyenne quatre à cinq ans avant que la touffe de gui ne commence à ressembler à une petite boule et à être clairement identifiable. C’est seulement après cette période d’établissement que la croissance s’accélère. La floraison et la production de baies n’interviendront que plusieurs années plus tard encore. La multiplication du gui est donc un projet à très long terme, une véritable leçon de lenteur et d’observation des cycles naturels.