La taille et le pincement sont des techniques de jardinage proactives qui, bien qu’elles puissent sembler contre-intuitives au premier abord, jouent un rôle fondamental dans l’obtention de dahlias plus robustes, plus harmonieux et surtout plus florifères. Ces interventions, qui consistent à retirer sélectivement certaines parties de la plante, permettent de sculpter sa croissance et de rediriger son énergie vers la production de fleurs plutôt que vers un développement végétatif excessif. Maîtriser ces gestes précis, savoir quand et comment les appliquer, transforme l’expérience de la culture du dahlia, passant de la simple observation d’une croissance naturelle à une véritable collaboration avec la plante pour l’aider à atteindre son plein potentiel esthétique et floral. C’est un savoir-faire qui distingue souvent le jardinier amateur du connaisseur averti.
Le principe fondamental derrière la taille et le pincement est la suppression de la dominance apicale. Naturellement, une plante comme le dahlia a tendance à concentrer sa croissance sur son bourgeon terminal, au sommet de la tige principale. Cela se traduit par une plante qui pousse principalement en hauteur, avec une seule tige forte, au détriment du développement de ramifications latérales. En supprimant ce bourgeon terminal, on lève cette dominance et on stimule la croissance des bourgeons axillaires, situés à l’aisselle des feuilles, plus bas sur la tige.
Cette stimulation des bourgeons latéraux a pour conséquence directe de forcer la plante à se ramifier. Au lieu d’une seule tige principale, la plante en développe deux, quatre, ou plus, en fonction du niveau où le pincement a été effectué. Il en résulte une plante à la structure beaucoup plus touffue, plus buissonnante et plus équilibrée. Cette architecture plus compacte est non seulement plus esthétique, mais elle rend également la plante plus solide et plus résistante au vent.
L’avantage le plus significatif de cette ramification est l’augmentation du nombre de fleurs. Chaque nouvelle tige issue du pincement est potentiellement une nouvelle tige florale. Ainsi, bien que le pincement retarde légèrement l’apparition de la toute première fleur de la saison, il multiplie le nombre total de fleurs qui s’épanouiront au cours de l’été et de l’automne. C’est un investissement à court terme pour un gain spectaculaire à long terme.
Il est important de noter que toutes les variétés de dahlias ne bénéficient pas de la même manière de ces techniques. Le pincement est particulièrement recommandé pour la plupart des variétés décoratives, cactus, balles, et autres dahlias destinés à la production de fleurs pour les massifs ou les bouquets. Pour les variétés naines ou de bordure, qui sont naturellement compactes, le pincement est souvent moins nécessaire. De même, les variétés géantes cultivées spécifiquement pour les concours, où l’objectif est d’obtenir une seule fleur la plus grande possible, ne sont généralement pas pincées.
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Le pincement : quand et comment ?
Le pincement, également appelé « étêtage », est une opération simple qui se pratique en début de saison de croissance. Le moment idéal pour intervenir est lorsque la jeune plante de dahlia a atteint une hauteur d’environ 20 à 40 centimètres et qu’elle a développé entre trois et cinq paires de vraies feuilles. Pincer trop tôt, lorsque la plante est encore trop petite et fragile, pourrait la stresser inutilement. Pincer trop tard, lorsque la tige principale est déjà très développée, est moins efficace et retarde davantage la floraison.
La technique est simple et peut se faire, comme son nom l’indique, avec les doigts (l’ongle du pouce et de l’index), ou, pour une coupe plus nette, avec un petit sécateur propre ou une paire de ciseaux. L’opération consiste à sectionner la pointe de la tige principale, juste au-dessus d’une paire de feuilles bien développées. On retire ainsi le bourgeon terminal et la plus jeune paire de feuilles qui l’accompagne.
Suite à cette intervention, la plante va réagir rapidement. Les deux bourgeons situés à l’aisselle de la paire de feuilles juste en dessous de la coupe vont se développer pour former deux nouvelles tiges principales. La plante commencera alors à prendre une forme en « V ». Si l’on souhaite une plante encore plus touffue, il est possible de répéter l’opération sur ces nouvelles tiges une fois qu’elles auront elles-mêmes développé quelques paires de feuilles, mais cela retardera d’autant plus la floraison. En général, un seul pincement est suffisant pour obtenir une plante bien ramifiée et florifère.
Ce geste simple, qui ne prend que quelques secondes, a un impact profond sur la structure de la plante pour toute la saison. Il est l’une des techniques les plus efficaces pour transformer une plante potentiellement haute et dégingandée en un buisson robuste et couvert de fleurs. C’est un secret de jardinier qui mérite d’être largement partagé et pratiqué.
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L’ébourgeonnage pour des fleurs plus grandes
L’ébourgeonnage est une technique de taille plus spécifique, qui vise à améliorer la qualité et la taille des fleurs plutôt que la structure de la plante. Elle est particulièrement pratiquée sur les variétés à grandes fleurs (décoratives, cactus, semi-cactus) et par les amateurs qui souhaitent obtenir des fleurs spectaculaires, voire des spécimens de concours. Le principe est de concentrer toute l’énergie d’une tige florale sur un seul bouton, au lieu de la laisser se disperser sur plusieurs.
Les dahlias produisent généralement leurs boutons floraux par groupes de trois à l’extrémité de chaque tige : un bouton terminal principal, et deux boutons latéraux plus petits, situés à l’aisselle des feuilles juste en dessous. Si on les laisse tous se développer, on obtiendra trois fleurs de taille moyenne. L’ébourgeonnage consiste à supprimer les deux boutons latéraux dès qu’ils sont assez gros pour être saisis entre les doigts, en ne conservant que le bouton central, le plus gros.
Cette suppression des boutons concurrents permet à la plante de diriger toute la sève et les nutriments vers le bouton floral restant. Celui-ci se développera alors beaucoup plus, donnant une fleur unique, plus grande, avec des pétales plus robustes et une tige plus solide. Cette technique est à répéter sur chaque tige florale de la plante pour laquelle on souhaite obtenir une fleur de grande taille.
Pour la plupart des jardiniers qui recherchent un effet de masse et une abondance de fleurs dans leurs massifs, l’ébourgeonnage n’est pas nécessaire. Cependant, pour ceux qui cultivent des dahlias pour les bouquets, cette technique est très intéressante car elle permet d’obtenir des fleurs de premier choix avec de longues tiges bien droites. C’est une question de choix entre la quantité et la qualité individuelle de chaque fleur.
La suppression des fleurs fanées
La suppression régulière des fleurs fanées est une forme de taille d’entretien qui est absolument essentielle pour prolonger la floraison du dahlia tout au long de la saison. Ce geste, parfois appelé « deadheading », empêche la plante de monter en graines. En effet, le but biologique d’une fleur est de produire des graines pour assurer la survie de l’espèce. Ce processus de maturation des graines est extrêmement gourmand en énergie. Si on laisse les fleurs fanées sur la plante, celle-ci va consacrer ses ressources à la production de semences, au détriment de la formation de nouveaux boutons floraux.
En coupant systématiquement les fleurs dès qu’elles commencent à perdre leur fraîcheur, on trompe la plante. On l’incite à continuer à produire de nouvelles fleurs dans l’espoir de réussir enfin à se reproduire. Cette intervention simple transforme le dahlia en une véritable usine à fleurs, capable de fleurir sans discontinuer de juillet jusqu’aux premières gelées. C’est le secret le plus important pour une floraison longue et abondante.
La coupe doit être effectuée correctement. Il ne suffit pas de retirer les pétales fanés, il faut couper toute la tige florale qui portait la fleur. La coupe se fait au-dessus de la première paire de feuilles saine en partant du haut de la tige, ou idéalement, jusqu’à la jonction avec une tige plus importante. Cette coupe nette stimule le développement de nouvelles pousses à l’aisselle des feuilles inférieures, qui porteront les futures fleurs.
Il est important de ne pas confondre un bouton floral sur le point de s’ouvrir avec une fleur fanée qui s’est refermée. Une fleur fanée a une forme plus conique et pointue et est dure au toucher, tandis qu’un bouton est généralement rond et plus souple. La suppression des fleurs fanées contribue également à l’esthétique générale du massif et prévient le développement de maladies, car les pétales en décomposition peuvent être un foyer pour la pourriture grise.
La taille de fin de saison
La dernière intervention de taille sur les dahlias a lieu à la fin de l’automne, en préparation de l’hivernage. Cette taille n’a pas pour but d’influencer la floraison, mais de préparer les tubercules pour leur période de dormance et de faciliter leur arrachage et leur stockage. Elle est donc réalisée après les premières gelées, lorsque celles-ci ont noirci et « grillé » le feuillage de la plante.
Ce signal climatique indique que le cycle de végétation active est terminé. À ce moment, on procède à une taille sévère de l’ensemble de la plante. À l’aide d’un sécateur ou d’un coupe-branches, on rabat toutes les tiges à une hauteur de 10 à 15 centimètres au-dessus du sol. Il est important de laisser cette portion de tige, car elle servira de « poignée » pour manipuler la souche de tubercules lors de l’arrachage et c’est à sa base que se trouve le collet où se formeront les bourgeons de l’année suivante.
Cette taille radicale a plusieurs avantages. Elle permet de nettoyer le massif et d’éliminer une grande partie de la matière végétale qui pourrait abriter des œufs de ravageurs ou des spores de maladies pendant l’hiver. Elle facilite grandement l’accès au pied de la plante pour l’opération d’arrachage de la souche de tubercules.
Une fois la taille effectuée, comme mentionné dans le chapitre sur l’hivernage, il est bon de laisser la souche en terre encore une à deux semaines pour que les tubercules finissent de mûrir. Ensuite, la souche sera prête à être déterrée, nettoyée et mise en conservation pour l’hiver. Cette dernière coupe marque la fin de la saison du dahlia au jardin, mais elle est aussi la première étape essentielle pour assurer sa renaissance au printemps suivant.